Le prix Nobel de la paix et ancien candidat à la présidentielle, le Dr Denis Mukwege, a livré une déclaration percutante suite à la publication du dernier rapport du Groupe d’experts des Nations Unies sur la République Démocratique du Congo. Ce rapport accablant confirme l’implication directe du Rwanda dans la guerre qui ravage l’Est de la RDC, et alimente un cycle de violences aux conséquences humanitaires dramatiques.
Dans un ton ferme, Mukwege affirme que " le régime de Kigali dirige et contrôle de facto les opérations du M23 ", soulignant que les Forces de défense rwandaises (FDR) ont joué un rôle clé dans les offensives menées sur des villes stratégiques comme Goma et Bukavu. Selon le rapport onusien, les FDR sont directement impliquées dans les combats, menant des incursions massives avec des armes sophistiquées, en violation flagrante de la Charte des Nations Unies.
Une occupation qui plonge l’Est du pays dans l’enfer
Depuis l’offensive de janvier 2025, plus de 11 millions de Congolais vivent entre famine et violence, sous occupation armée dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu. Mukwege dénonce une situation humanitaire désastreuse, marquée par des violations graves des droits humains, des déplacements massifs et un pillage systématique des ressources naturelles.
Le rapport souligne également que le Rwanda ne cherche plus uniquement à neutraliser les FDLR, mais ambitionne de contrôler les territoires conquis à travers l’installation d’administrations parallèles sous la bannière du M23/AFC. Pour Mukwege, ce plan d’occupation ressemble à une volonté d’annexion pure et simple, maquillée derrière des prétextes sécuritaires dépassés.
"Le narratif du régime de Kigali ne tient plus. La prétendue menace des FDLR ne saurait justifier trente années de guerre, de massacres et de pillages dans l’Est de la RDC ", déclare-t-il.
Une justice à deux vitesses
Mukwege insiste sur l’urgence d’une justice équitable et universelle. Trente ans après le génocide rwandais, il estime que si les auteurs de ces crimes doivent être jugés, il est tout aussi impératif que les souffrances du peuple congolais soient reconnues et que les responsables des atrocités commises en RDC répondent de leurs actes.
Il appelle la Cour pénale internationale à intensifier ses enquêtes sur les crimes commis en RDC depuis 2002 et exhorte les États à activer le principe de compétence universelle pour poursuivre les responsables des crimes de guerre documentés notamment dans le rapport Mapping des Nations Unies.
" Le droit à la justice doit être universel. Il faut en finir avec les doubles standards. La souffrance des Congolais ne peut rester ignorée ", martèle le docteur Mukwege.
Appel à des actions concrètes
Le célèbre gynécologue et défenseur des droits humains appelle à la mise en œuvre urgente de la résolution 2773 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui exige un cessez-le-feu immédiat, le retrait inconditionnel des troupes rwandaises du territoire congolais, et le démantèlement des administrations illégales du M23/AFC.
Mukwege exhorte également la communauté internationale à imposer des sanctions ciblées contre les auteurs de la déstabilisation dans l’Est du Congo.
" L’impunité alimente les violences. La paix ne pourra jamais être durable si elle sacrifie la justice ", rappelle-t-il.
Une transition vers la paix durable
Le docteur Mukwege souligne que des solutions existent. Il recommande le désarmement des groupes armés, y compris les FDLR et le M23, et appelle à la réintégration encadrée des combattants rwandais en tant que citoyens dans leur pays d’origine. Il plaide pour des mécanismes de justice transitionnelle crédibles et inspirés des expériences réussies ailleurs en Afrique, comme au Rwanda, en Sierra Leone ou en Centrafrique.
" Le peuple congolais a trop souffert. Il est temps de briser ce cycle de violences et d’écrire une nouvelle page d’espoir et de justice dans la région des Grands Lacs ", conclut-il.
Cette déclaration marque un tournant dans le débat sur l’impunité en Afrique centrale et remet sur le devant de la scène la nécessité d’une approche courageuse, centrée sur les droits des victimes et le respect du droit international.
Rédaction