Le marché du pain à Kinshasa enregistre une baisse significative des prix dans certaines grandes boulangeries de la capitale, selon une communication officielle de la Cellule de communication du ministère de l’Économie nationale. Une nouvelle qui réjouit les consommateurs, dans un contexte économique encore fragile. Mais cette tendance cache-t-elle une réalité plus nuancée ?
Des baisses visibles dans les grandes enseignes
La boulangerie Pain Victoire, bien connue des Kinois, propose désormais son pain emblématique “Kanga Journée” à 400 FC, contre 500 FC il y a quelques semaines. Même son de cloche chez UPAK, où le pain dit “pistolet” est passé de 400 FC à 300 FC. Les consommateurs interrogés saluent unanimement cette évolution.
“Nous sommes contents de la baisse du prix du pain, nos bénéfices aussi vont augmenter”, se réjouit Mme Ruth, vendeuse à Pain Victoire.
“Le pain, c’est l’aliment de base. Nous remercions les autorités congolaises pour les efforts faits dans le secteur économique”, ajoute Mme Marie, une cliente rencontrée sur place.
Dans un pays où le pouvoir d’achat reste faible, ces baisses peuvent en effet représenter un soulagement pour de nombreuses familles kinoises. Mais l’euphorie ne doit pas éclipser certains questionnements fondamentaux.
Volume en hausse ou illusion d’optique ?
Les employés des deux boulangeries affirment que la baisse des prix s’accompagne également d’une augmentation du volume du pain. Toutefois, aucune donnée vérifiable ou mesure officielle ne vient confirmer ces dires.
Ce point soulève une interrogation de fond : le pain vendu à Kinshasa est-il soumis à un gramage officiel ? Et surtout, ce gramage est-il respecté par les producteurs ?
Dans de nombreuses situations antérieures, les consommateurs ont constaté que des baisses de prix s’accompagnaient d’une réduction insidieuse du poids ou du volume du produit. Ce phénomène, parfois qualifié de “shrinkflation”, brouille la lecture réelle de la dynamique des prix.
Un consommateur congolais sans réelle protection
En l’absence d’un cadre réglementaire strict ou d’un mécanisme efficace de contrôle, le consommateur congolais reste vulnérable. Aucune norme publique n’a encore été largement communiquée en ce qui concerne le poids minimal que devrait respecter un pain vendu sur le marché. L’ambiguïté persiste : ce qui est présenté comme une baisse pourrait, en réalité, être une simple réduction déguisée de la quantité.
Ainsi, une vraie question s’impose : le consommateur paie-t-il réellement moins, ou paie-t-il simplement pour moins de produit ?
Une régulation attendue pour éviter les dérives
Dans un marché aussi essentiel que celui du pain, aliment de base pour des millions de Kinois, il devient crucial d’envisager la mise en place d’un dispositif de régulation des prix mais aussi des quantités, avec des contrôles rigoureux dans les boulangeries.
Un tel dispositif permettrait de :
Fixer un grammage standard du pain selon le type (pistolet, kanga journée, etc.) ;
Contrôler régulièrement le respect de cette norme ;
Sanctionner les contrevenants ;
Informer clairement les consommateurs.
Si la baisse des prix du pain à Kinshasa peut être saluée comme un geste favorable en faveur du pouvoir d’achat, elle ne doit pas masquer l'absence d’un cadre protecteur pour le consommateur. Une politique de prix sans normes de quantité ouvre la porte à toutes les dérives. Le ministère de l’Économie nationale gagnerait à approfondir sa démarche en renforçant le contrôle qualité et la transparence du marché.
Dans un pays où l’économie informelle dicte encore une large partie des règles du commerce, protéger le consommateur revient à protéger la stabilité du marché lui-même.
