La province du Nord-Kivu traverse l'une des plus graves crises humanitaires de ces dernières années. Selon un rapport publié mardi 17 juin 2025 par OCHA/RDC, en collaboration avec ses partenaires humanitaires, 1,81 million de personnes sont actuellement déplacées à l’intérieur de la province, dont plus de 130 000 nouveaux cas enregistrés rien qu’au mois de mai. Parallèlement, 4,19 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire aiguë (IPC 3+), confrontées à un accès extrêmement limité à la nourriture.
Le rapport, qui couvre la période du 1er au 31 mai, dresse un tableau sombre de la situation, en particulier dans les territoires de Rutshuru et Lubero, théâtre de violences armées récurrentes et de déplacements massifs.
Rutshuru et Lubero, épicentres du drame
Le territoire de Rutshuru reste l’un des foyers les plus actifs de la crise. Dans les zones de santé de Bambo, Birambizo et Kibirizi, les affrontements entre groupes armés ont provoqué la fuite de près de 96 500 personnes, soit environ 16 000 ménages. Ces déplacés se sont dirigés vers des localités telles que Kizima, Katsiru, Mulimbi, Bishusha ou Kabizo, où les conditions d’accueil demeurent rudimentaires, les infrastructures de base étant quasi inexistantes.
Entre le 13 et le 24 mai, au moins huit civils ont été tués et plusieurs dizaines blessés dans des attaques menées à Katsiru, Gambiriro, Kishishe et Kojo. Des infrastructures essentielles n’ont pas été épargnées : le centre de santé de Rebero, soutenu par des ONG, a été pillé, privant plus de 8 400 personnes de soins médicaux. Des explosions ont par ailleurs détruit plusieurs habitations, aggravant le désarroi des populations locales.
Nouvelles vagues de fuite à Marangaza, Kanyabayonga et Kilambo
La dernière semaine du mois a vu la crise s’intensifier. Du 27 au 29 mai, plus de 11 000 habitants de Marangaza ont fui de violents combats, se réfugiant dans des villages voisins. La même situation s’est reproduite dans les zones de Kanyabayonga et Kilambo, où les conditions de vie sont désastreuses : absence d’eau potable, manque de nourriture, et accès quasi nul aux soins de santé.
Face à cette insécurité, plusieurs ONG ont dû suspendre leurs évaluations humanitaires, notamment dans les zones de santé de Bambo et Kibirizi, où la présence humanitaire reste extrêmement limitée. À Kihondo, une clinique mobile a cessé ses activités depuis le 26 mai, privant quelque 25 000 personnes de soins essentiels.
Une assistance humanitaire entravée mais persistante
Malgré les nombreux obstacles logistiques et sécuritaires, les humanitaires poursuivent leurs efforts. En mai, plus de 300 000 personnes ont bénéficié d’une aide alimentaire le long des corridors critiques de Sake-Bihambwe et Sake-Kitshanga, axes stratégiques pour les populations déplacées. À Kingarame, dans le territoire de Nyiragongo, plus de 20 000 retournés ont reçu une assistance vivrière.
Autour de Goma, plus de 30 000 personnes vivant dans des centres collectifs ont été soutenues par une aide multisectorielle, couvrant l’eau, l’hygiène, la santé, la protection et l’éducation. À Luotu (Lubero), 18 000 déplacés ont pu recevoir des articles ménagers essentiels, apportant un semblant de réconfort à des familles en détresse.
Des retours précaires, des besoins exponentiels
Paradoxalement, le rapport recense aussi 2,01 millions de personnes retournées dans leurs localités d’origine. Mais ces retours s’effectuent dans des conditions précaires, souvent sans garantie de sécurité ni d’accès aux services de base. Dans les zones de santé de Bambo et Birambizo, plus de 106 000 déplacés restent dans l’impossibilité de regagner leurs foyers en raison de la persistance des violences.
OCHA appelle à une mobilisation urgente pour intensifier l’aide humanitaire, soulignant l’importance d’un accès sécurisé aux populations affectées et d’un renforcement des financements. « Sans soutien immédiat, la province risque un effondrement humanitaire aux conséquences incalculables », alerte l’agence onusienne.
DK