La déclaration publiée le 7 juin à Kigali met en cause la gestion du 26e Sommet ordinaire tenu à Malabo, au cours duquel le Rwanda aurait été délibérément écarté de son droit à exercer la présidence tournante de la CEEAC, tel que prévu à l’article 6 du traité fondateur. Une situation jugée inacceptable par les autorités rwandaises, qui y voient une violation flagrante des règles internes de l’organisation.
Une décision politique ou une manœuvre défensive ?
Si Kigali affirme que son retrait est motivé par des principes de gouvernance et le non-respect des textes constitutifs de la CEEAC, certaines voix, notamment du côté congolais, y voient une manœuvre politique visant à échapper à d’éventuelles sanctions.
Sur le réseau social X, un analyste proche du pouvoir de Kinshasa a réagi fermement :
“Ce n’est pas le refus de la présidence tournante qui motive le départ du Rwanda, mais une manœuvre pour éviter des sanctions pour violation du principe de non-agression. [...] Plutôt que d’assumer une procédure de mise en cause pour son soutien militaire au M23 dans l’Est de la RDC, Kigali choisit la fuite en avant.”
Cette déclaration fait référence aux articles 3 et 34 du traité de la CEEAC, qui interdisent à tout État membre de commettre ou de faciliter une agression envers un autre membre. La RDC accuse depuis plusieurs années le Rwanda de soutenir la rébellion du M23 opérant dans sa partie orientale, ce que Kigali a toujours nié.
Une fracture entre blocs régionaux ?
Ce retrait soulève également des interrogations sur la dynamique régionale en Afrique centrale et sur les rapports complexes entre la CEEAC et l’EAC (Communauté d’Afrique de l’Est), dont le Rwanda comme la RDC sont membres. Certains internautes se demandent pourquoi Kinshasa ne remettrait pas également en cause son appartenance à l’EAC, dont elle critique régulièrement l’inaction ou la partialité.
“Pourquoi la RDC reste dans l’EAC si elle estime que ses intérêts y sont bafoués ?”, s’interroge un internaute congolais.
“Kigali agit. Nos dirigeants, eux, attendent toujours des solutions extérieures”, note un autre, saluant ce qu’il considère comme un leadership affirmé du Rwanda.
Réactions partagées dans l’opinion congolaise
En RDC, l’annonce rwandaise divise l’opinion publique. D’un côté, une partie de la population applaudit ce qu’elle perçoit comme un succès diplomatique de Kinshasa, estimant que la fermeté du pouvoir congolais aurait fini par isoler Kigali sur la scène régionale. De l’autre, certains citoyens congolais voient dans l'attitude du Rwanda une leçon de souveraineté, voire de courage politique.
“Il faut savoir défendre ses intérêts, même au prix d’un retrait. Nos dirigeants devraient s’en inspirer”, lit-on dans un commentaire populaire.
Vers une recomposition diplomatique ?
Alors que la rupture semble consommée avec la CEEAC, le Rwanda pourrait recentrer sa diplomatie sur d’autres alliances régionales comme l’EAC ou encore renforcer ses partenariats bilatéraux. Quant à la CEEAC, cette crise met en lumière ses fragilités institutionnelles et sa difficulté à faire respecter l’unité et les principes de solidarité régionale.
Le départ du Rwanda pourrait ainsi marquer un tournant dans la coopération régionale en Afrique centrale, dans un contexte de rivalités persistantes, de méfiances mutuelles et de repositionnements stratégiques.
Rédaction