Accusé de détournement de fonds publics, le ministre d’État en charge de la Justice, Constant Mutamba, est désormais sous le coup d’une enquête judiciaire. L’Assemblée nationale a levé, ce jeudi 29 mai, les obstacles à sa poursuite, autorisant le Procureur général près la Cour de cassation à instruire le dossier.
La justice rattrape l’un de ses propres garants. Le ministre d’État, garde des Sceaux, se retrouve désormais justiciable. Ce jeudi, la Chambre basse du Parlement a officiellement donné son feu vert au PG près la Cour de cassation pour engager des poursuites contre le garant de la Justice. En cause : de graves soupçons de détournement de 39 millions de dollars américains dans le cadre d’un marché de gré à gré relatif à la construction d’un établissement pénitentiaire à Kisangani, dans la province de la Tshopo.
Le vote, largement majoritaire (17 sur les 23 votants), marque une étape décisive dans cette affaire qui secoue le sommet de l’appareil judiciaire. La levée de l’immunité parlementaire, indispensable pour permettre l’ouverture d’une instruction, traduit une volonté politique de ne plus faire obstacle à l’action de la justice, y compris lorsqu’elle vise des personnalités de haut rang.
Un scandale aux ramifications profondes
Le marché incriminé porterait sur la construction d’une prison moderne censée désengorger les établissements pénitentiaires vétustes de la région. Mais selon des sources proches du dossier, les fonds débloqués auraient été en grande partie détournés, via des surfacturations, des entreprises fictives et des procédures opaques non conformes au code des marchés publics.
La gestion de ce projet est aujourd’hui au cœur des investigations préliminaires. Le ministre d’État, qui était censé piloter cette réforme structurante, se voit accusé d’avoir cautionné – voire orchestré – des irrégularités financières majeures.
Une affaire hautement symbolique
Que le garde des Sceaux lui-même soit rattrapé par des accusations de corruption donne à cette affaire une dimension éminemment symbolique. L’institution judiciaire, dont il était le visage politique, pourrait désormais instruire à son encontre. Une situation paradoxale qui soulève de nombreuses interrogations sur l’intégrité au sein même des organes censés incarner l’État de droit.
« Personne n’est au-dessus de la loi, pas même ceux qui sont chargés de la faire respecter », a réagi un député de la majorité, saluant une « avancée importante pour la crédibilité de la lutte contre l’impunité ».
Vers une instruction en bonne et due forme
Avec l’autorisation formelle de l’Assemblée nationale, le Procureur général, Firmin Mvonde, peut désormais convoquer, interroger et, le cas échéant, engager des poursuites à l’encontre du ministre de la Justice. Constant Mutamba reste présumé innocent, mais son sort judiciaire dépendra désormais de l’issue de l’enquête.
Cette affaire pourrait faire jurisprudence dans un pays longtemps gangrené par la corruption au sommet de l’État. Elle envoie également un signal fort : les lignes bougent, et la justice commence à s’affranchir des pesanteurs politiques.
Une mise à l’épreuve pour l'État de droit
Au-delà du cas individuel du ministre Mutamba, ce dossier met à l’épreuve la cohérence de l’exécutif et la solidité des institutions judiciaires. Il sera suivi de près, tant sur le plan national qu’international, comme un test grandeur nature de l’indépendance de la justice en RDC.
Pour l’heure, le ministère de la Justice n’a pas officiellement réagi. Le silence de l’intéressé, lui, est d’autant plus pesant qu’il se trouve désormais face à l’une des institutions qu’il représentait hier : la justice.
KD