La tempête judiciaire se profile pour Nicolas Kazadi. Le procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde, a officiellement saisi le bureau de l’Assemblée nationale afin d’obtenir l’autorisation d’ouvrir une instruction judiciaire visant le député et ancien ministre des Finances. En cause : des propos jugés explosifs tenus en mars dernier lors d’une interview accordée à la journaliste Paulette Kimutu dans l’émission Asololi.
Le ministère public reproche au parlementaire d’avoir divulgué des secrets d’État et propagé de fausses informations, des faits réprimés par les articles 73 et 199 bis du Code pénal congolais.
Des accusations lourdes portées contre l’exécutif
Dans cet entretien aux accents de réquisitoire, Nicolas Kazadi n’a pas ménagé ses mots. Il a ouvertement dénoncé ce qu’il qualifie de « gabegie à outrance » dans la gestion des finances publiques, pointant du doigt :
Une « culture de la jouissance » marquée, selon lui, par une dilapidation systématique des ressources publiques ;
Le financement de projets improductifs, utilisés comme paravent à des détournements de fonds ;
La création anarchique de près de 50 établissements publics sans base légale ni moyens de fonctionnement ;
Un entourage présidentiel gangrené par des pratiques mafieuses ;
Et des irrégularités dans la gestion du Programme de modernisation de l’administration (PMA), notamment via des paiements directs de jetons de présence opérés par l’Inspection générale des finances (IGF), en dehors de ses compétences.
Mais c’est surtout la révélation d’informations confidentielles issues du Conseil des ministres qui a fait franchir à Kazadi une ligne rouge, selon le parquet.
Une procédure juridico-politique délicate
Le procureur Mvonde a requis l’autorisation d’instruire l’affaire, condition indispensable avant toute éventuelle levée de l’immunité parlementaire. L’objectif : permettre au député de « s’expliquer et de présenter ses moyens de défense » dans un cadre légal respectant le principe du contradictoire.
Ce processus, hautement politique, s’annonce sensible. Une levée d’immunité serait perçue à la fois comme un signal fort de l’indépendance de la justice… et comme une manœuvre potentiellement explosive à l’approche des échéances politiques à venir.
Une sortie médiatique à double tranchant
Ce qui se voulait une opération de réhabilitation personnelle pourrait bien se retourner contre l’ex-ministre. En voulant laver son honneur, Nicolas Kazadi a mis à nu les dérives d’un système dont il fut lui-même l’un des piliers.
L’ancien argentier, longtemps présenté comme le cerveau économique du régime Tshisekedi, a jeté une lumière crue sur les coulisses du pouvoir. À tel point qu’il semble s’être tiré une balle dans le pied. « On commence par se partager l’argent des projets, puis on réfléchit après », a-t-il lâché, dans une confession aussi dramatique que déconcertante.
Si la justice obtient gain de cause, l’ex-ministre devra répondre de ses déclarations devant les magistrats. Mais au-delà du cas Kazadi, c’est toute une culture de gestion et de gouvernance qui se retrouve aujourd’hui sur le banc des accusés.
KD