La crise que redoutaient les karatékas est désormais une réalité. Le ministre des Sports et Loisirs, Didier Budimbu, vient d’officialiser la suspension de Freddy L’A Kombo, président élu de la Fédération de karaté-do du Congo (FEKACO), à travers une correspondance datée du 26 août 2025.
Dans ce document, adressé notamment à la Présidence de la République, au Comité olympique congolais et à tous les membres du comité exécutif de la FEKACO, le ministre reproche à Freddy L’A Kombo un “comportement répréhensible” lors de la réception du 9 août dernier au Palais de la Nation, en présence du Chef de l’État. Sur cette base, il lui interdit formellement d’accéder aux installations sportives, de représenter la FEKACO et de participer à toute activité sportive sur le territoire national.
Une décision contestable et vouée à l’échec
En procédant de la sorte, Didier Budimbu signe un scandale. Le droit congolais est clair : seul le Conseil d’État peut statuer sur la légalité d’une mesure qui prive un dirigeant fédéral élu de son mandat. Or, il ne fait aucun doute que cette décision sera cassée par la haute juridiction administrative. Le ministre démontre, une fois de plus, sa méconnaissance des textes qui régissent le mouvement sportif congolais, un domaine qu’il est pourtant censé maîtriser en sa qualité de premier responsable du secteur.
D’ailleurs, plusieurs éléments rendent cette décision juridiquement et moralement choquante :
La forme : un ministre agit par voie d’arrêté ministériel. Or, ici, il s’agit d’un simple courrier, dépourvu de toute valeur réglementaire.
L’éthique sportive comme prétexte : comment suspendre un président élu pour “violation d’éthique sportive” sans définir ce qu’est cette éthique, ni démontrer le lien entre le comportement reproché et une faute précise ?
L’absence de procédure disciplinaire : peut-on suspendre un dirigeant avant même l’ouverture d’une action disciplinaire ? Cela viole les principes élémentaires de la présomption d’innocence et du contradictoire.
La compétence : qui est habilité à ouvrir une action disciplinaire contre un président élu ? Certainement pas le ministre. Cette prérogative revient à l’assemblée générale de la fédération, son organe souverain, et en dernier ressort au Conseil d’État.
Une cabale qui ne dit pas son nom
Cette suspension n’est pas le fruit du hasard. Depuis plusieurs semaines, Didier Budimbu s’était lancé dans une campagne de diabolisation contre Freddy L’A Kombo, multipliant pressions et rumeurs pour préparer les esprits à ce coup de force. Pourtant, aucun dossier de détournement ni aucune irrégularité financière n’ont été établis. La seule réalité, selon plusieurs sources proches du dossier, c’est l’agacement du ministre face aux “ entrées” de L’A Kombo à la Présidence de la République.
Le président de la FEKACO aurait en effet obtenu une audience avec le Chef de l’État, là où le ministre lui-même n’aurait pas réussi à convaincre. Depuis, Budimbu voit en Freddy L’A Kombo non seulement un concurrent potentiel, mais aussi une menace politique et personnelle. D’où cette volonté de l’écraser par tous les moyens.
Une crise inutile pour les karatékas
En réalité, cette décision plonge le karaté congolais dans une crise artificielle. Les athlètes et encadreurs, qui avaient besoin de stabilité pour préparer les prochaines échéances internationales, se retrouvent aujourd’hui pris en otage d’un règlement de comptes qui n’a rien à voir avec le développement du sport.
L’Union africaine de karaté (UFAK) ne manquera pas de réagir en rappelant le principe de non-ingérence politique dans les affaires internes des fédérations nationales. Comme pour le judo autrefois, les karatékas risquent de payer un lourd tribut à une querelle qui dépasse largement les tatamis.
Un appel à la responsabilité
Il est urgent que le ministre Didier Budimbu rectifie le tir. Sa décision ne tiendra pas devant le Conseil d’État et n’apporte aucune valeur ajoutée au sport congolais. Bien au contraire, elle expose le karaté à une fracture interne et à une perte de crédibilité sur la scène internationale.
Le Tremplin